Salle des Musiques et des enfants
Cette salle est divisée en deux thèmes… la musique et les enfants.Commençons par la musique au sein de nos Marches. Invariablement, l’évolution des Compagnies de Marcheurs est rythmée par le son des Tambours et des Fifres placés sous le commandement du Tambour-Major coiffé d’un imposant colback surmonté d’un superbe plumet tricolore.
Sous un large gorgerin d’argent ou hausse-col, le tambour-major porte un luxueux habit dont les manches sont ornées de galons d’argent. ; son pantalon est fait de flanelle blanche ; enfin, barrant sa poitrine, un remarquable baudrier supporte une fine et magnifique épée de cérémonie. Le tambour-major porte une canne à pommeau d’argent dont l’extrémité est enrubannée à profusion. A l’aide de cette « canne-major » il guide le roulement des tambours et le rythme du fifre. La fonction de tambour-major est l’une de celle que les titulaires ne cèdent pas volontiers. Signalons enfin, brièvement, la description de l’uniforme du tambour et du fifre : tunique de drap bleu, épaulettes rouges et pantalon blanc, la tête coiffée d’un képi.
Fifres et tambours, mais aussi fanfares et harmonies sont l’âme vibrante de la Marche ; ils en constituent le centre et le pouls, le cœur et le moteur. Tambours et fifres, conduits par leur tambour-major, constituent ce que l’on appelle « la batterie ». Une batterie était jadis constituée seulement d’un fifre et de quelques tambours ; « SIX » était considéré comme un nombre parfait. Aujourd’hui, il arrive que certaines batteries soient beaucoup plus importantes, notamment en raison du nombre de Marcheurs très élevé qu’elles doivent entraîner. Le tambour-major précède, de quelques mètres, les instrumentistes rangés par quatre ou cinq ; le fifre se place toujours à droite et à sa gauche se tient le « premier tambour ». Bien qu’aujourd’hui de nouvelles formules aient été instaurées, l’autorité est habituellement détenue de manière quasi absolue par le tambour-major et son premier tambour. La batterie est tenue de participer à toutes les cérémonies ; les journées sont donc très fatigantes. Il n’est pas rare que « le réveil » ait lieu dès cinq heures et « la retraite » après vingt-deux heures. On devient tambourinaire ou fifre par plaisir et par amour des Marches. Nombreux sont les enfants qui désirent apprendre à jouer ; ils sont alors menés auprès d’un maître. L’apprentissage se fait généralement à l’oreille et, en ce qui concerne le tambour, à l’aide de notations conventionnelles. Les fanfares et harmonies regroupent en général une quarantaine de musiciens amateurs, placés sous l’autorité d’un « chef de musique ». Elles participent volontiers à leur Marche locale, mais il n’est pas rare que certaines soient « embauchées » par des responsables de Marches étrangères. Pendant le défilé, tambour- major et chef de musique demeurent en étroite relation. C’est le tambour-major qui, d’un geste de sa canne, pommeau levé vers le ciel, décide que le moment est venu de « faire jouer la musique ». Il choisit des lieux réclamant fastes et prestige : sortie de l’église, rentrée de la procession, défilé devant les autorités ou la foule assemblée. Quelques coups de « grosse caisse » signalent alors que tambours et fifres doivent cesser de jouer pour laisser place à la fanfare
Le répertoire est composé d’airs appelés « marches », destinés à être joués en défilé, et d’airs dits « d’ordonnance » généralement exécutés à l’arrêt. Parmi les « marches » proprement dites, il existe quatre allures ou « pas » :
- le pas accéléré, contrairement à ce que son nom indique, accompagne une déambulation normale ;
- le pas de route est un peu plus soutenu que le pas accéléré et permet une progression plus rapide ;
- le pas de charge est encore plus vif que le pas de route et est exécuté pour les déplacements longs et fastidieux ;
- le pas ordinaire est un pas lent que la Compagnie adopte pour manifester sa déférence et rendre les honneurs.
A l’aide d’un geste convenu de sa canne, le Tambour-Major indique le type de marche qu’il désire entendre et un moulinet en forme de « huit » en précise le moment ; on dit alors qu’il « tourne ». Si le pas n’est pas précisé, le premier tambour en accord avec le fifre décide l’air à jouer ; se tournant vers les autres tambours dans le bref intervalle de silence laissé entre la fin de la marche précédente et le début de la nouvelle, il crie le nom de cette dernière. Au total, le répertoire contient une soixantaine d’airs. Le pas ordinaire, le pas de route et le pas de charge ne possèdent qu’une seule manière d’être interprétés au tambour ; les coups y sont d’ailleurs forts simples. Le fifre dispose de quatre mélodies différentes pour le pas ordinaire, de trois pour le pas de route, et pour le pas de charge, il choisira parmi une dizaine d’airs inspirés de vieilles chansons régionales ou composées par des musiciens locaux. La variété dans le jeu de fifre et surtout des tambours résident donc principalement au niveau des pas accélérés et des airs d’ordonnance. On trouve un premier ensemble de marches dénommé un peu abusivement « marches hollandaises », un second groupe formé des marches dites « françaises », enfin un troisième réunissant les marches spéciales que sont le réveil, la retraite ou l’appel, ce dernier pouvant être aussi considéré comme un air d’ordonnance. Les marches dites « hollandaises » comprennent certains airs de tambours et fifres remontant sans doute au début du XIXème siècle, au moment où les provinces belges étaient réunies aux Pays-Bas. D’autres marches appartenant à cette catégorie ont visiblement été composées à différentes époques et certaines récemment encore, par les fifres et tambours d’Entre-Sambre-et-Meuse. Certaines portent le nom de localités de la région (Gerpinnes, Hymiée, Gougnies, Loverval, …) ou le nom de l’instrumentiste qui les a créées (les ras du Cage, de Marcel Lechat, de Raymond Rose, de Robert Simons). D’autres ont trouvé leur appellation dans leur nature rythmique ou mélodique (fla fla, les baguettes, les ras lents, un ra trois ras) ou dans les circonstances particulières de leur création (Aroc = A Roch, la Nouvelle ). Une « hollandaise » compte en règle générale, mais il y a des variations, surtout au niveau de la première reprise, deux phases de huit mesures répétées par deux fois. Une seule marche de ce type compte trois reprises, c’est « la Grande » ; particulièrement solennelle, elle est jouée dans des circonstances exceptionnelles. Certaines marches sont dites « à solo » si la première reprise ménage des silences pour les tambours, mettant en avant les mélodies du fifre ; elles exigent beaucoup de souffle et de virtuosité. Les marches « françaises » sont vraisemblablement des souvenirs de l’époque impériale et du Second Empire. Ce sont les trois « Vieilles », une série de contredanses et de chansons populaires adaptées pour fifres et tambours (Plantons la Vigne, J’aime, l’oignon, Auprès de ma blonde, Fanfan la tulipe d’Emile Debraux, Trempe ton pain Marie, la chanson wallonne Vive Djean-Djean, Larifla, …). Considérée jadis comme des airs de divertissement joués après les prestations officielles, leur introduction dans le répertoire « classique » date des années soixante, au moment où les Marches subissent l’emprise d’un « renouveau napoléonien ». Il arrive même aujourd’hui que certaines Compagnies de Marcheurs n’interprètent plus que ces airs dits « français » ; c’est bien sûr là une perte des valeurs folkloriques, esthétiques et musicales.
Les marches spéciales telles que le Réveil ou la Retraite s’inspirent souvent d’airs militaires anciens. Il existe un réveil dit « d’Empire » et un réveil dit « d’Entre-Sambre-et-Meuse ».
Parfois joués alternativement, ces réveils sont destinés à sortir les habitants de leur sommeil pour leur annoncer le début des festivités. L’Appel est joué pour annoncer le départ et former les rangs. Parmi les airs d’ordonnance, les plus joués sont « Au drapeau » et « le Rigodon ».
La plupart du temps, les fifres jouent à l’unisson. Ils modifient parfois la mélodie et proposent à leur gré variantes et variations. Le jeu des tambours est plus complexe. En effet, à tour de rôle, un tambour « redouble » sur le rythme de basse exécuté par le reste de la batterie. Ce « doublage » consiste à meubler tous les silences (sauf ceux réservés aux solos du fifre et ceux de certaines rares mesures) par des coups exécutés de manière très rapide. Le doubleur est un expert ; tous les tambours n’arrivent pas à maîtriser cette technique. Le doublage donne libre cours à la fantaisie et à l’imagination ; plus les coups sont serrés et difficiles, plus l’admiration est grande dans le public, mais aussi au sein de la batterie. Il existe un système de transcription du jeu des tambours basé sur un certain nombre d’onomatopées évoquant les coups. Les syllabes « fla fla fla flabada ra ou pra » désignent certains enchaînements des percussions des baguettes droite et gauche. Cette pratique, avec d’autres syllabes, est déjà mentionnée dès le XVIème siècle. Cette notation concerne uniquement le jeu non doublé, appelé jeu simple par les tambours. Les œuvres interprétées par les fanfares et harmonies font partie d’un répertoire habituel et sont jouées en bien d’autres lieux et circonstances. Certains morceaux semblent avoir été composés par des musiciens locaux, d’autres sont tirés de répertoires à vocation civile ou militaire. A côté de « pas redoublés » destinés à entraîner les Marcheurs pendant certaines parties du défilé, fanfares et harmonies exécutent aussi des airs dits de « procession », réservés aux moments religieux, comme par exemple la « rentrée » à l’église. Ces airs se caractérisent par leur pompe et leur solennité. Le Conseil supérieur d’ethnologie de la Communauté française de Belgique veut rendre compte de l’importance et de la qualité de ce répertoire folklorique. En faisant appel à des batteries et fanfares choisies en des lieux fort différents, le Conseil vous propose le CD des « Tambours et fifres d’Entre-Sambre-Et-Meuse » - Tradition wallonne n°2. Ce disque met en évidence la diversité, la variété et la vivacité qui font la richesse de notre tradition musicale et populaire.
Les enfants ont toujours tenu une place importante dans nos Marches. Historiquement, nous les trouvons sous le drapeau de la Jeunesse ; ils sont officiers, et comme leurs aînés, ils « cassent le verre » ; ainsi ils prennent progressivement conscience de leurs futurs rôles et de l’importance de la parole donnée, surtout en l’absence de tout écrit contraignant. Mais depuis plus de trente ans, de véritables pelotons de jeunes se forment et prennent une ampleur telle, qu’il est parfois nécessaire de les transformer en Compagnies autonomes. On peut voir nos enfants défiler fièrement derrière leur batterie, avec ou sans fanfare, commandés par des officiers devenus ados, et encadrés par des adultes bénévoles dont la tâche est lourde, souvent ingrate, mais si précieuse. La relève se forme dans le meilleur des moules. Ce fut, et c’est toujours particulièrement vrai à Gerpinnes, Biesmes, Florennes, Cerfontaine, Walcourt, Fraire, Loverval, Châtelet, Châtelineau, Presles, Thy-le- Château, Beignée, Ham-sur-Heure,…
Un éducateur à la retraite, ému, explique : « J’ai fait mon travail tout simplement, dans l’intérêt des gosses. C’est fou ce que les Marches vous offrent comme outils pédagogiques. Marcher, pour un bambin, c’est le rêve qui devient réalité. On va jouer au soldat, pas à la guerre. Ses jouets s’animent : il entend son tambour, son clairon, prête son cheval au major, rejoint les rangs, et trotte mieux qu’au cours de gymnastique. Ensuite, l’enfant va comprendre la nécessité de règles à respecter et il acceptera une discipline de groupe ; c’est une remarquable initiation au monde des grands, représenté par les adultes bénévoles qui encadrent la Compagnie. Je dois aussi vous parler de l’uniforme. Quelle fascination ! Je ne suis plus moi et on dit que l’habit ne fait pas le moine » Cette dernière phrase me rappelle « les confidences d’une vieille cantinière à son nouveau curé » que l’abbé Max Vilain recueillait à Ham-sur-Heure.
« Et on dit que l’habit ne fait pas le moine. Je vous dis que nos hommes, et nos enfants, sont complètement changés. Mon gamin, qui faisait enrager tous les maîtres d’école, et qui était un fameux diable à la maison, mon gamin qui n’avait peur de personne devenait soudain, avec son beau costume, un militaire accompli, sérieux et regardant avec fureur les autres jeunes qui osaient sourire dans les rangs. Il avait tout à coup le sens de l’honneur et il l’a toujours gardé ».
Le jeune sera naturellement marqué par ses maîtres, mais l’éducation n’est pas qu’une affaire d’école. Il y a aussi et surtout la famille : « faire comme papa » et ensuite « être comme papa » sont deux idéaux que l’enfant poursuit. Alors, papa est-il Marcheur ? Et dans la Marche, il se comporte comment ? Est-il l’exemple à suivre ? L’enfant doit pouvoir affirmer, à la manière de Victor Hugo : « mon père, ce héros, en sapeur ou tireur, en soldat ou officier, est celui que je veux devenir ». Ou devra-t-il tourner la tête pour cacher sa déception ? Un second fait m a également frappé : c’est l’attention que les anciens portent à la formation de la relève, et leur bonheur de constater qu’elle est prête. Lors de la réalisation de « Portrait d’un Aîné » de la revue « Le Marcheur » publiée par l’AMFESM, que ce soit Philippe Maudoux à Morialmé, ou Alfred Mengeot à Gerpinnes, ou Lucien Sainthuile à Châtelet, tous se disaient rassurés dans l’immédiat, mais qu’il suffirait d’un relâchement de quelques années pour compromettre l’avenir. Et Lucien Sainthuile, Président Fondateur de l’AMFESM, se montrait particulièrement fier quand il énumérait toutes les actions que l’Association avait organisées au profit des jeunes :
- En 1963, 1968 et 1975, concours de rédactions et de dessins dans toutes les écoles primaires des localités où l’on marche ;
- En 1982, il est décidé que le Trophée des Marches sera attribué à une jeune Compagnie et Biesme l’emporte ; Les jeunes tambours et fifres se voient offrir leur premier képi.
Comment les jeunes perçoivent-ils nos Marches aujourd’hui ? Montaigne le déclarait déjà au XVIe siècle, dans ses Essais : « les jeunes ne sont pas des vases que l’on remplit, mais des feux que l’on allume ».
Lors du 20e anniversaire du Musée, les organisateurs des festivités, sous l’impulsion d’Erik Vandeloise, ont de nouveau donné une dimension culturelle en sollicitant de très jeunes et futurs artistes de chez nous. L’exposition « Les Eglises à l’Eglise » a vu le jour présentant le patrimoine religieux par des aquarelles d’églises de l’Entre-Sambre-et-Meuse joliment illustrées par les hagiographies des Saints pour lesquels on Marche.
Quittons cette jeunesse pour parcourir ensemble la salle des vieilles photos se trouvant au rez-de-chaussée.
